Les Echos / Septembre 2023

29 septembre 2023
Les Echos 22 septembre 2023

COUP DE CŒUR

Lucas Carton, chassons les fantômes

Que deviendra L’Ambroisie après Bernard Pacaud? L’Arpège après Alain Passard? Et L’Auberge du Vieux-Puits après Gilles Goujon? Ces restaurants auront besoin de nouveaux chefs, dignes successeurs de ceux qui ont créé le mythe. Le cas Lucas Carton montre la difficulté de l’exercice. Alain Senderens en dirigea les cuisines de 1985 à 2013. Le Tout-Paris s’y bousculait pour déguster son canard Apicius, inspiré d’une recette antique, son homard à la vanille, ou son foie gras emballé dans un chou vert. Pour l’anecdote, Senderens, disparu en 2017, avait obtenu sa troisième étoile en 1978, dans son précédent restaurant, L’Archestrate, rue de Varenne à Paris, racheté justement par Passard en 1986 et rebaptisé Arpège… En 2023, qui incarne Lucas Carton ? Les boiseries, sculptées dans le bois d’érable, de sycomore et de citronnier par Louis Majorelle, sont toujours là. Le propriétaire, Paul-François Vranken, qui possède par ailleurs les champagnes Pommery, n’a pas changé. Mais le canard Apicius comme le chou vert au foie gras ont bel et bien disparu. En cuisine, un jeune talent officie depuis l’an dernier : Hugo Bourny. Formé par Arnaud Donckele, Anne-Sophie Pic et Hélène Darroze , il doit porter l’histoire du lieu sur ses épaules, qu’il a pourtant solides, et écrire son futur. Mission impossible ? En tout cas, il ne manque ni de technique ni d’imagination. Entre autres réussites, on citera sa superbe tomate grillée à la crème crue (notre illustration), sa betterave confite et parfumée de jus à la baie de Manakara (un cousin très parfumé du poivre): un bonbon. Et son bœuf surmonté de deux tronçons de sardine, comme deux fines baguettes soutenant des pommes de terre soufflées : un bijou. Enfin cette petite assiette, glissée entre deux plats, quelques moules cuites sur des épines de pin, façon éclade charentaise : un amuse-bouche de milieu de repas, parenthèse de simplicité au milieu des prouesses culinaires et des boiseries Art nouveau. Et si on chassait le fantôme Senderens pour apprécier Bourny?

Laurent Guez

Note : ★★★★☆

Avec qui : En amoureux/Business

Prix : Menus à 120, 150 et 200 €. A la carte, comptez 180 à 200 €.

Adresse : 9, place de la Madeleine, 75008 Paris.

Tél. : 01 42 65 22 90.

https://www.lesechos.fr/weekend/gastronomie-vins/restaurant-lucas-carto…

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